J’enseigne dans une UE d’initiation à la psychologie cognitive. L’UE, en FOAD, rassemble des étudiants de métropole et d’outre-mer qui, a priori, ne se connaissent pas et ne se rencontreront peut-être physiquement jamais. J’ai donc mis en place un dispositif qui encourage les interactions pour combattre l’isolement et la solitude dans l’effort. Ce dispositif recourt largement aux outils technologiques d’accès à l’information numérique et aux données censées être discutées et appropriées.
La première étape a été celle de faire agréger collectivement des pages web à propos du terme « sociocognitif ». Son usage est courant dans les milieux professionnels de la formation et de l’analyse du travail qui concernent une grande partie des étudiants de cette UE.
Ce premier travail réalisé en commun sur un mode désynchronisé et à distance a servi de galop d’essai pour roder nos outils et montrer qu’un travail collaboratif plus poussé était envisageable dans les séquences à venir.
Mais sur le fond, quelles ressources ont été jugées dignes d’être collectées et portées à la connaissance du groupe ? Que contient le Pearltrees qui rapidement a cru et s’est multiplié ?
Quand des étudiants, a priori débutants sur les questions fondamentales de la psychologie cognitive, sont amenés à agréger des données sur le web et à définir le terme « sociocognitif », ils débouchent sur deux directions principales.
La première est celle du socioconstructivisme, courant largement développé par Lev Vygotski, en opposition apparente au courant constructiviste, notamment initié par Jean Piaget.
La deuxième est celle de la théorie sociocognitive avec Albert Bandura en tant qu’auteur phare.
Le socioconstructivisme
L’approche socioconstructiviste concerne un certain nombre de champs de la perception, de l’interaction et de l’activité humaine. En effet, sont potentiellement concernés tant la construction du savoir que la structuration de la conduite, c’est à dire la relation potentielle du sujet à l’objet dans un contexte social.
L’environnement, lui même, peut être considéré comme un construit d’ordre sociocognitif. Il s’agit d’un concept relationnel mettant en jeu des caractéristiques socioculturelles, des acteurs, des problèmes à résoudre, des informations disponibles mais perçues du point de vue des acteurs amenés à confronter des interprétations de ces éléments.
Le développement sociocognitif peut être considéré comme une théorie du développement humain par l’apprentissage en action, en situation de résolution de problème avec toute la variété de ses formes interindividuelles d’apprentissage. Les élaborations cognitives et les interactions sociales se trouvent ainsi dans une relation de double détermination.
D’un point de vue socioconstructiviste, on suppose que l’apprentissage résulte de constructions mentales de l’apprenant à la condition qu’il soit toujours activement engagé dans l’élaboration de ses connaissances.
La cognition est considérée comme une fonction adaptative face aux évolutions du contexte, ce qui suppose d’ailleurs la connaissance de la métacognition comme une fonction nécessaire à la réflexivité et à la capacité de construire son expérience.
Les interactions sociales jouent un rôle fondamental. À la différence de Piaget, Vygotski soutient que les apprentissages effectués en condition sociale précédent le développement : les connaissances interpersonnelles préexistent et se transforment en connaissances intrapersonnelles avant d’acquérir à nouveau un statut de connaissances « objectives » de connaissances « socialement acceptés ».
L’étude des jugements exprimés par les individus est un thème sociocognitif central.
Les jugements reposent sur des représentations sociales ! Les représentations sociales sont intégrées par les individus, qui vont donc présenter des différences dans leur expression. Le simple fait d’appartenir à une même communauté ne suppose pas une identité de représentations. Au contraire, les individus développent une adaptation stratégique d’origine cognitive aux normes de leur groupe d’appartenance. D’un point de vue sociocognitif, les individus composent entre leurs propres contraintes cognitives et leurs représentations d’origine sociale. Il arrive donc qu’il soit quasi impossible de distinguer les aspects sociaux et cognitifs lors de l’expression des jugements.
Le conflit sociocognitif est perçu comme un concept remarquable.
Il se développe lors d’interactions entre deux ou plusieurs individus au cours desquelles plusieurs actions et/ou discours se contredisent simultanément à l’égard d’un même objet. Si les interlocuteurs coopèrent pour dépasser le conflit, ils peuvent alors élaborer une réponse qui dépasse et intègre les points de vue initiaux. L’interaction coopérative est la condition du progrès cognitif observé.
La notion de conflit sociocognitif expliquerait les modalités de gestion à la fois cognitive et sociale d’interactions susceptibles de produire de nouvelles connaissances.
La théorie sociocognitive
Il s’agit ici de l’étude de l’autorégulation et de ses différents processus cognitifs subsidiaires, notamment grâce aux apports de Bandura.
Dans la théorie sociocognitive, l’influence de l’environnement sur les comportements est essentielle, mais une place prépondérante est réservée aux facteurs cognitifs, ceux-ci pouvant influer à la fois sur le comportement et sur la perception de l’environnement. La motivation est considérée par exemple comme un ensemble de processus de régulation cognitive.
L’apparition de comportements nouveaux se fait par imitation mais aussi et surtout par observation et modelage, ce qui met l’accent sur les processus cognitifs évolués.
La question de l’autorégulation à souvent été connectée avec l’idée « d’apprendre à apprendre ». L’apprentissage pourrait donc être autorégulé dans certaines conditions. Barry Zimmerman propose un modèle socio-cognitif de l’apprentissage autorégulé selon lequel l’autorégulation est réalisée au cours d’un cycle comprenant l’anticipation, la réalisation ou l’autocontrôle, l’autoréflexion.
Bien entendu, la synthèse ci-dessus est partielle, incomplète, et ne recouvre certainement pas toutes les dimensions utiles à connaître sur le sujet. Mais, nous en sommes au début du travail et ce n’est au fond que la porte d’entrée vers un ensemble de connaissances très vaste. Celles-ci ont au moins été l’objet d’une activité de réflexion, de sélection, de classement et de désignation. Je suis certain de n’avoir pas toujours atteint ce niveau de résultat dans d’autres cours, plus « classiques ». J’ai aussi testé les connaissances d’étudiants en master 1et 2 en sciences de l’éducation sur le même sujet. J’ai obtenu des réponses plus imprécises, moins étendues et bien moins reliées les unes aux autres.
Plus tard au cours de ce semestre, je parlerai des modalités pédagogiques en place dans cette UE : pourquoi et comment Pearltres pour l’agrégation, Google drive pour sa facilité de rédiger collaborativement sur un même document, une bonne plateforme pour sa messagerie et ses forums, encouragent la coopération et le conflit sociocognitif générateur de nouveaux apprentissages.
Je dirai aussi en quoi faire fabriquer les sujets de devoirs sur table, ainsi que leurs corrigés, par les étudiants favorise les apprentissages en profondeur. Cette UE sera pleine de rebondissements et de surprises !
La suite, un an après, Mon journal de bord. Ou comment j’ai appris à apprendre.
Effectivement c’est passionnant et cela sera plein de rebondissements mais apparemment certains sont plus à l’aise que d’autres et il serait dommage que certains décrochent. Pour ma part j’apprends en m’amusant ; merci pour cette forme innovante
Voici un exemple où quelques rêves de pédagogues peuvent se réaliser ! Merci Danielle et au plaisir des futures découvertes.
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