Heureux d’avoir pu nourrir la réflexion du CEEIADE sur l’évaluation des compétences en stage. L’idée de la conférence était de proposer une vision globale de la compétence pour ne pas séparer artificiellement le processus d’apprentissage des compétences de l’évaluation de ces mêmes compétences.
La réingénierie de la formation des infirmiers anesthésistes diplômés d’État (IADE) est prévue pour la rentrée de septembre. Comme pour les autres formations paramédicales soumises au même processus, l’approche « par les compétences » devient une sorte de passage obligé. Les cadres de santé paramédicaux ne sont pas spécialement préparés à cette révolution copernicienne de la formation en santé. Très peu ont été sensibilisés, voire formés, à la didactique professionnelle. Il est donc tout à fait attendu que des questions lourdes se posent sur l’ingénierie didactique et l’ingénierie de l’évaluation.
Le but de ma conférence était de faire le point sur les fondements théoriques qui peuvent guider l’évaluation des compétences et de donner quelques repères méthodologiques nécessaires. Aux formateurs ensuite de poursuivre leurs apprentissages et de déboucher sur des référentiels d’évaluation des compétences, opérationnels et d’usage commode.
Il fallait donc situer la relation complexe entre l’activité et la compétence. L’activité productive (je suis au travail et je traite les tâches qui me sont confiées) est source de conceptualisation dans l’action. L’activé constructive, après l’activité productive, est, elle, encore plus source de conceptualisation et de développement des compétences. Vient alors le temps du retour réflexif sur son action, retour guidé et favorisé par les formateurs, tuteurs ou autres.
Nous avons noté que la compétence ne se résume jamais à l’exécution réussie d’une tâche mais, tout au contraire, se situe dans le surcroît d’exigence que le salarié se voit adressé pour s’organiser et prendre en charge les aspects implicites du travail, implicites et pourtant si agissants.
Un débat a eu lieu avec les participants sur les grands courants théoriques sur lesquels reposent l’évaluation des compétences. Nous avons constaté que le behaviorisme, qui pourtant a montré son peu d’efficacité en pédagogie, subsistait encore. certes, l’approche plus cognitive, celle de l’analyse de l’activité en ergonomie cognitive, s’impose rapidement sous l’influence de la didactique professionnelle. Le risque est tout de même, si l’on est concentré sur le couple tâche / activité que l’on oublie l’interaction sujet / activité / environnement. L’approche par les compétences peut alors être pensée plus largement sous l’angle d’une maîtrise des usages professionnels http://ute3.umh.ac.be/revues/
Outillés théoriquement, nous pouvions réinterroger les présupposés de la réforme de la formation des IADE. Notamment, la curiosité pédagogique des « paliers d’apprentissage », selon lesquels un étudiant commence par « comprendre » avant d’ « agir » et de « transférer ». Vieille lune pédagogique qui affirme la suprématie des savoirs académiques sur l’action. L’observation des apprentissages ordinaires de compétences renvoie plutôt sur des « piliers d’apprentissage » où l’action, la compréhension et le transfert sont en interaction permanente au gré des situations d’apprentissage. Les nécessités de l’action efficace engagent souvent à comprendre pourquoi elle est efficace, précisément. On ne peut pas toujours réussir par hasard. le transfert apparaît aussi quotidiennement lorsque le IADE se confronte à une variété de situations. Elles peuvent appartenir à la même classe de situations, elles n’en sont pas moins singulières. On transfère ce qu’on sait faire d’un situation à une autre par ce que notre organisation cognitive de l’activité nous y autorise. Nos invariants été nos conduites adaptatives sont là pour ça.
Le point de vue de la conférence était double : nous avons besoin d’une approche globale pour donner du sens et relier ingénierie pédagogique et ingénierie de la compétence. Mais nous avons aussi besoin de descendre dans les détails pour opérationnaliser et dégager les critères et indicateurs de la compétence.
un détour par la simulation en santé, technique et de formation et d’évaluation, nous a aidé à élaborer quelques règles de conduite pédagogique nécessaire pour toute situation d’apprentissage par l’activité.
Le statut de l’erreur dans le cadre de l’approche par les compétences a été beaucoup discuté. Le débat a été prétexte à promouvoir un outil de débriefing et d’évaluation : l’arbre des causes accompagné de ses points pivots.
En conclusion, il était nécessaire d’interroger les limites de l’évaluation, à travers une éthique de l’évaluation en situation. Que pouvons nous en attendre vraiment ? Quelles préconisations méthodologiques sommes-nous amenés à considérer ?
La tâche devant les formateurs est assez exaltante : il s’agit rien de moins que de reconstruire une nouvelle formation sans faire table rase de l’ancienne tout en œuvrant ouvertement dans le cadre de l’approche par les compétences. Un beau défi, comme chaque fois.