Jean-Marc,@JmarcFJ, consultant en stratégie de formation, est le promoteur d’une idée, celle de « l’Arche O pédagogue ». Née d’un brainstorming improvisé sur Twitter, cette idée n’est sûrement pas si futile que les premiers échanges amusés ont pu le laisser croire.
Comme Jean-Marc m’assure par avance de sa reconnaissance si j’exerce mon œil critique sur l’Arche O pédagogue, je me sens autorisé à contribuer à ce projet.
Tout d’abord, le projet a besoin de sortir de ses limbes et de se révéler en pleine lumière. De quoi s’agit-il ? D’une « arche aux pédagogues » ? Cette arche serait patiemment construite des connaissances significatives. La valeur de ces connaissances tiendrait d’ailleurs plus à leur utilité future qu’à leur usage passé ; on peut rêver encore un peu. A moins qu’il ne s’agisse d’une entreprise de réhabilitation des « archéopédagogues », communauté encore vivace à laquelle je me sens parfois appartenir. On est toujours l’archéo de quelqu’un et… tant mieux. L’obsolescence programmée de nos Ibidules risque bien d’être celle des pédagogues branchés s’ils ne se méfient pas.
Avec ce projet d’ « Arche O pédagogue », deux interrogations fondamentales se présentent à nous :
- La pédagogie d’aujourd’hui peut elle se prévaloir d’un héritage ancien, voire antique sinon préhistorique ?
- Pouvons-nous penser, à l’heure du web 2.0 et de la techno pédagogie, condenser en seul lieu la somme de nos connaissances ? Une Arche pourrait-elle les contenir ? Sont-elles en danger ? Si oui, lesquelles sélectionner ? L’approche est très prescriptive et verticale : Noé fait le tri et range à fond de cale le socioconstructivisme à coté de la gestalt. Tout de même, à l’heure du MOOC et des foisonnantes expériences horizontales, ludiques et socialement créatives en même temps que partageuses du premier MOOC francophone #ITyPA, Noé a du mal à passer en mode connectiviste…
La construction de l’Arche est un projet très ancien, au point d’ailleurs que sa réalité historique ne peut être prouvée. Reste sa valeur culturelle et fondatrice, pour ceux qui veulent s’en réclamer. L’image est, en tout cas, assez intéressante. Dieu est déçu de l’humanité : les hommes sont devenus pervers et malveillants. Avant d’effacer son brouillon, Dieu avertit Noé de se mettre au travail et de construire une arche en roseaux pour sauvegarder ce qui pouvait l’être encore. Jean-Marc propose de remplacer les roseaux par des connaissances, waterproof, sans doute… donc imperméables et étanches pour garantir la flottabilité de l’arche. Des connaissances à l’épreuve de l’eau en quelque sorte. Les connaissances pédagogiques sont-elles étanches ? Les Shadocks, de fameux pédagogues, en doutaient fondamentalement. Affirmant que s’il n’y a pas de solutions, c’est qu’il n’y a pas de problème, ils en profitaient pour pomper encore un peu.
Une autre hypothèse se fait jour, si les connaissances sont étanches, c’est pour voyager. Les connaissances portent loin et ne sont pas toutes destinées à s’échouer sur le Mont Ararat, les sociétés savantes d’éducation comparée veillent pour éviter ce destin malheureux et assurer une plus grande diffusion des idées et des pratiques. Tant qu’à faire, l’arche des connaissances pourrait être accompagnée de l’arche des compétences, si l’on veut accepter l’idée que les compétences n’ont pas été inventées dans les années 1970. Que savons-nous des compétences pédagogiques de nos anciens ?
Le grand projet de l’Arche O pédagogue débute. Merci Jean-Marc de nous convier à enrichir cette base de données en philosophie de l‘éducation avec ses prolongements post modernes en termes d’employabilité et de professionnalisme.
J’en profite pour te passer une petite commande. Je vois bien que tu es en route pour le Siècle des Lumières et la naissance ( ?) de la réflexion philosophique en éducation. Je partage l’idée avec toi que le « pédagogique » n’a pu croitre et se développer que sur ce terreau. Cet âge d’or du pédagogique, engagé, citoyen, porteur de valeurs, entre les années 1850 et 1960, a su regarder l’adulte en formation à coté de l’enfant scolarisé. Je m’en réjouis et je commence à regretter ce temps, « C’est-toujours-mieux-avant ». Nous sommes aujourd’hui entrés de plain-pied dans l’ère technologique de la pensée didactique. L’ingénierie pédagogique (que j’enseigne aussi, bien entendu…) ne doit pas céder face à l’idéologie dominante, scientifique et technique. Elle ne doit pas oublier d’où elle vient ni de quelle arche elle sort.
Si les pédagogues sont des passeurs, ce sont aussi des héritiers. L’arche O pédagogue nous rendrait un fier service si elle mettait en question les acquis de ceux que nous avons oublié trop rapidement, ceux qui ont ouvert le passage d’une ère à une autre. Ne range pas trop vite, à fond de cale, les Ferrer, les Makarenko et les Robin. Fais les discuter avec Dewey, Claparède, Cousinet et tous les autres.
Héritage et passage…
Que d’interrogations pointées… La connaissance et la compétence des mots dynamiques qui s’inscrivent eux-mêmes dans d’autres dynamiques.
Vous avez dit connaissance ?
– le problème de l’origine des connaissances est celui de savoir si elles procèdent de l’expérience (empirisme) ou de la raison (rationalisme).
– le problème de la nature de la connaissance, qui nous amène à distinguer diverses formes de connaissance, notamment celles qui relèvent de l’esprit de finesse (psychologie par exemple) et celles qui relèvent de l’esprit de géométrie (mathématique par exemple)
– le problème de la portée de la connaissance : notre connaissance est-elle absolue (position dogmatique, à l’ œuvre chez Hegel ou Platon) ou bien est-elle limitée au monde des phénomènes (position critique, à l’œuvre chez Kant par exemple).
En attendant, j’ai intégré en page 7 de l’arche O pédagogue cette réflexion pleine de promesses
Merci à toi
Très honoré pour la page 7. La discussion est ouverte !