Mooc ITYPA. Une auto-efficacité très élevée

L’auto-efficacité à apprendre en contexte numérique a été mesurée parmi quelques  participants du mooc ITyPA. Les scores sont élevés, comparés à ceux d’une population témoin.  Serait-ce l’indice des effets vertueux du mooc ?

Les ressources personnelles des apprenants pour la formation tout au long de la vie

Lors de mon intervention sur la formation tout au long de la vie le 28 novembre, j’avais évoqué la nécessité de disposer d’une auto-efficacité à apprendre en contexte numérique qui soit suffisamment de bon niveau pour s’orienter et persister dans ses apprentissages. Lorsque l’environnement numérique ne présente pas toujours les conditions facilitantes, l’apprenant doit alors renforcer ses ressources, notamment son auto-efficacité et réussir face aux difficultés. L’auto-efficacité est un système de croyances dans sa capacité à atteindre ses objectifs et ses buts. Un niveau de croyances plus élevé que le savoir-faire réel explique pourquoi des individus se risquent dans des activités dont, à priori, ils n’ont pas la maîtrise complète. C’est parce qu’ils se risquent dans des situations difficiles que les individus parviennent d’ailleurs à faire des apprentissages nouveaux.

D’autres ressources cognitives peuvent être sollicitées : la motivation épistémique (au-delà de la simple curiosité et de l’attrait de la nouveauté) et l’autorégulation qui produit des effets de persistance et de résilience (François & Aïssani, 2003; Laveault & Leblanc, 1999; Martinez Pons, 2002; Zimmerman, 2000, 2002).

 L’auto-efficacité, variable clé de l’agentivité

Il a donc été proposé de tester le niveau d’agentivité, perçu à travers l’articulation des buts d’apprentissage, la motivation à s’inscrire dans un dispositif présenté comme attrayant et ludique et la régulation de la persistance des conduites d’apprentissage. La variable centrale pour estimer l’agentivité du sujet est son auto-efficacité (Bandura, 2003) à apprendre au sein de circonstances aux effets potentiellement imprévisibles.

Dans le cadre de la formation tout au long de la vie, et donc en contexte numérique, l’auto-efficacité des participants se construit sur la perception de leurs buts et de leur motivation (Cosnefroy, 2009, 2010, 2011). L’un des effets de l’auto-efficacité est sa contribution au pilotage de la persistance des conduites d’apprentissage et à la fourniture des ressources cognitives et affectives nécessaires à la résilience face aux difficultés rencontrées.

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 Mesurer l’auto-efficacité

L’échelle de mesure de l’auto-efficacité vise les comportements projetés et non les simples intentions. Toutefois, les sous-variables, tels que les buts de performance, liés à la formation tout au long de la vie, les buts de compétence, la maîtrise des apprentissages en dehors de toute performance, sont particulièrement prises en compte. Elles sont rapportées au contexte numérique des apprentissages, aujourd’hui largement présent. Un but est une représentation interne d’un état désiré (Karoly, 1999), c’est une ressource pour l’auto-efficacité qui combine les buts avec l’évaluation des réussites passées et la perception de ses capacités d’autorégulation de sa conduite.

La mesure de l’auto-efficacité est réalisée à l’aide d’une échelle de Likert comprenant dix items orientés positivement, décrivant des comportements et non des intentions (Bandura, 2003; Follenfant & Meyer, 2003; Nagels, 2010). Les items doivent être en relation la plus directe possible avec le contexte d’apprentissage. Les réponses vont de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord » sur une échelle de 6 points.

 Résultats

Trente-quatre participants du mooc ont répondu au questionnaire d’auto-efficacité, du 28 novembre au 7 décembre 2013. Un score d’auto-efficacité individuel est calculé. Il évolue de 10 à 60 points.

Les participants du mooc ont été comparé à une population de 161 personnes ayant répondu dans les mêmes conditions d’accès au questionnaire.

Comme le montre le tableau ci-dessous qui compare des scores moyens, la moyenne, le mode et la médiane sont plus élevés chez les participants du mooc. Ils disposent, en moyenne, d’un meilleur niveau d’auto-efficacité.

Leurs scores sont moins dispersés que ceux de l’échantillon « tout venant » et plus regroupés autour de la moyenne. L’écart entre le score minimum et maximum est aussi plus réduit chez les participants du mooc.

Auto-efficacité comparée

Mooc ITyPA

Population “tout venant”

Moyenne

43,62

37,00

Médiane

44

36

Mode

47

30

Écart-type

7,61

8,75

Minimum

27

21

Maximum

56

58

Nombre

34

161

L’alpha de Cronbach a été calculé pour estimer la cohérence interne de l’échelle. Cette statistique est comprise entre 0 et 1. Ici, avec une valeur de 0,87 l’alpha est considéré comme satisfaisant et l’échelle dispose d’une bonne cohérence. Ainsi en dépit de leurs scores différents, les participants ont eu tendance à répondre de la même manière, et non pas de façon désordonnée, aux 10 questions.

Enfin, un test t de Student pour deux observations de variance égale a été utilisé pour vérifier que les deux échantillons se comportaient effectivement de manière différente. La valeur critique de t est de 1,97. Elle est inférieure à la statistique t, égale à 4,06. La différence est donc statistiquement significative.

Il est donc possible de suggérer que les participants du mooc disposent d’une auto-efficacité supérieure à celle d’un échantillon tout venant. De plus, la différence de niveau est statistiquement significative et elle n’est pas due au hasard. Ce résultat est tout à fait intéressant au vu des effets positifs sur la persistance et l’orientation des conduites.

La simple mesure de l’auto-efficacité ne donne pas d’indications sur la dynamique d’apprentissage en contexte numérique ou sur les modes de participation au mooc. Si les expériences vécues et réussies sont vraisemblablement le moteur de cette auto-efficacité, nous avons tout à découvrir des causes plus précises : histoire personnelle, relations sociales, expériences antérieures, apprentissage dans le cadre du mooc lui-même, etc.

Il est probable que l’auto-efficacité à apprendre en contexte numérique ne soit pas la seule caractéristique qui différencie les participants du mooc ITyPA du restant de la population… Reste à voir lesquelles plus précisément et à expliquer ces différences. Quelques études et analyses commencent à sortir sur les publics des moocs, allons voir de ce coté-là.

Bibliographie

Bandura, A. (2003). Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. Bruxelles: De Boeck.

Cosnefroy, L. (2009). Les théories reposant sur le concept de but. In P. Carré & F. Fenouillet (Éd.), Traité de psychologie de la motivation. Paris: Dunod.

Cosnefroy, L. (2010). L’apprentissage autorégulé : perspectives en formation d’adultes. Savoirs, 23, 11 – 54.

Cosnefroy, L. (2011). L’apprentissage autorégulé, entre cognition et motivation : déontologie et identité. Grenoble: Presses universitaires de Grenoble.

Follenfant, A., & Meyer, T. (2003). Pratiques déclarées, sentiment d’avoir appris et auto-efficacité au travail. Résultats de l’enquête quantitative par questionnaires. In P. Carré & O. Charbonnier (Éd.), Les apprentissages professionnels informels. Paris: L’Harmattan.

François, P.-H., & Aïssani, Y. (2003). Représentations sociales des compétences et processus d’autorégulation des conduites. In C. Garnier & W. Doise (Éd.), Les représentations sociales. Balisage du problème d’étude. Montréal: Éditions nouvelles.

Karoly, P. (1999). A goal systems-self regulatory perspective on personality, psychopathology and change. Review of general psychology, 3(4), 389-416.

Laveault, D., & Leblanc, R. (1999). Autorégulation de l’apprentissage scolaire : interaction entre processus cognitifs et déterminants de la motivation. In C. Depover & B. Noël (Éd.), L’évaluation des compétences et des processus cognitifs. Modèles, pratiques et contextes. Bruxelles: De Boeck.

Martinez Pons, M. (2002). Le transfert effectif comme un processus d’autorégulation : implications dans la formation des adultes. In P. Carré & A. Moisan (Éd.), La formation autodirigée. Aspects psychologiques et pédagogiques. Paris: L’Harmattan.

Nagels, M. (2010). Construire l’auto-efficacité par l’analyse de l’activité en formation des cadres et dirigeants de la santé publique. Savoirs, (22), 69-88.

Zimmerman, B. (2000). Des apprenants autonomes. Autorégulation des apprentissages. Bruxelles: De Boeck.

Zimmerman, B. (2002). Efficacité perçue et autorégulation des apprentissages durant les études : une vision cyclique. In A. Moisan & P. Carré (Éd.), La formation autodirigée. Aspects psychologiques et pédagogiques. Paris: L’Harmattan.

4 réflexions sur « Mooc ITYPA. Une auto-efficacité très élevée »

  1. Jacques Dubois

    Bonjour Marc,
    et merci pour cette étude sur l’auto-efficacité des participants.
    Tu dis : « Il est donc possible de suggérer que les participants du mooc disposent d’une auto-efficacité supérieure à celle d’un échantillon tout venant ». Je ne connais pas les différentes analyses statistiques que tu présentes, je me pose alors la question de la poule ou de l’œuf : « Est-ce parce qu’on a une auto-efficacité supérieure à la moyenne qu’on participe activement au MOOC ou est-ce parce qu’on participe au MOOC que l’on a une auto-efficacité élevée ? » Qu’en penses-tu ?

    Répondre
    1. Marc Nagels Auteur de l’article

      Bonjour Jacques,
      Le test t de Student nous permet de vérifier que la différence de moyenne n’est aps due au hasard (le hasard est toujours une hypothèse statistique). Il ne suffit pas de constater une moyenne plus élevée ou plus basse, il convient de s’assurer que les itypiens ont un comportement différent ou non de la population de référence. C’est bien le cas ici et le test nous l’assure. On pouvait s’en douter avec une telle différence : 44/60 pour les itypiens et 37/60 pour la population de référence, mais il était possible de s’en assurer.
      Dans ma conclusion, j’envisageais comme toi l’idée que le suivi du mooc développe certainement l’auto-efficacité. On peut s’y attendre, encore que ce ne soit pas un objectif affiché. Mais il est aussi possible qu’une forte auto-efficacité soit une ressource pour suivre le mooc et surtout pour persister de semaine en semaine. Je ne peux pas trancher parce que je n’ai pas de données empiriques qui me le permettraient. Alors, de la poule et de l’oeuf… D’autres études suivront…

      Répondre
  2. fjacolin

    Bonjour
    Merci pour la piqûre de rappel de votre intervention sur ITyPA2. Je ne suis pas du tout sociologue. Mais… je trouve l’échantillon ITyPien très peu représentatif pour se hasarder sur de telles conclusions. Peut-être sont-ce les plus confiants des participants qui y ont répondu, il aurait fallu qu’au moins 50% des participants réponde, qu’en pensez vous? Idem pour l’échantillon « tout venant » : de qui s’agit-il?
    Merci pour vos précisions

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    1. Marc Nagels Auteur de l’article

      Bonjour,
      Vous avez raison, l’échantillon itypiens n’est peut être pas représentatif. Mais nous n’avons pas les données qui permettraient de le dire. Il faudrait en savoir plus sur la population qui suit effectivement le mooc (combien sur 1500 inscrits ?) et encore plus sur les différentes variables sociodémographiques qui décrivent cette population. Il nous manquerait encore des variables de type cognitif ou bio-psycho-social portant sur les modes d’apprentissages, les motivations, l’engagement, la perception d’apprentissage, etc.
      C’est pourquoi vous avez raison de suspecter un biais toujours possible, celui où on répond à un questionnaire sur l’auto-efficacité justement parce qu’on se sent en forme ce jour là. J’en ajouterai un autre, celui de l’auto-présentation de soi. Même si les réponses sont anonymes, on se présente plutôt sous un jour favorable… Du moins pouvons nous espérer qu’avec un grand nombre de répondants, les résultats soient plus lisses sans toutefois faire disparaitre ce biais. C’est pourquoi, j’ai utilisé le conditionnel à plusieurs reprises dans le billet et mes conclusions sont exprimées sous forme de questions ouvertes et non de certitudes absolues…
      Enfin, il n’est pas certain qu’une proportion de 50 % d’itypiens règle la question de la représentativité (selon quels critères ?), imaginez que, par hasard, on interroge la moitié de la population la moins auto-efficace ? C’est théoriquement possible. Pour s’en sortir, il faudrait connaitre la population totale et faire un tirage aléatoire, c’est la seule solution. Ce que je ne pouvais pas faire ici.
      Le même problème se pose avec la population de référence. Nous pouvons être certain qu’elle n’est pas représentative (de quoi ?) puisque 15 % des français ne disposent pas d’une connexion internet, condition pour se connecter au questionnaire… De plus, dans ma population de référence, je sais qu’un certain nombre de québecois a répondu, dont des plus de 80 ans, missionnaires en Afrique. Ce qui fausserait un tout petit peu la représentativité.
      En revanche, à l’intérieur de ces conditions et au vu des tests statistiques avec 34 itypiens, ce qui représente le minimum requis pour faire quelques tests, il est possible d’affirmer que le score moyen des itypiens est significativement supérieur au score moyen de la (ma) population de référence. C’est une première indication qu’il faudrait croiser avec des résultats de recherches de plus grande ampleur.

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